Contrôles des corps et résistances par le soin dans la production de l'espace frontalier haut-alpin du Briançonnais

Auteurs

  • Daphné Velay
  • Léna Malbrunot
  • Camille Chassouant

Résumé

Les contrôles aux frontières avec l’Italie ont été renforcés par la France à partir de 2015 dans la région de Briançon, ville des Hautes-Alpes. Des patrouilles mobiles sont chargées de repérer ces personnes considérées « ESI » (étranger·es en situation irrégulière), exerçant ici une fonction de filtrage de la frontière.  Les exilé·es en provenance des routes de Méditerranée et des Balkans sont depuis contraint·es d’emprunter des chemins de haute montagne, principalement la nuit, pour éviter les contrôles systématiques aux points de passage autorisés et un renvoi vers l’Italie.  Pour les personnes exilées pouvant se trouver dans des situations de vulnérabilité particulière, l’espace frontalier de haute-montagne est ainsi rendu dangereux par un dispositif sécuritaire.  Cette logique de « sécuritisation » se mêle avec une double logique « d’humanitarisation » (Cuttita, 2015) dans les discours de la préfecture pour légitimer le dispositif de contrôle avec la notion de « mise à l’abri » pourtant en contradiction avec les objectifs réels de la mission de lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine. Par ailleurs, la possibilité d’accéder à des soins pour les personnes exilées est conditionnée par des pratiques discrétionnaires de de la part des policier·es. Loin de se soumettre au régime frontalier, les personnes exilées ne se résument pas à leur vulnérabilité, et elles utilisent leurs corps comme moyens de « résistance » (Guénébeaud et Lendaro, 2020), marchant des heures dans des conditions difficiles pour arriver à Briançon. Des maraudes se sont mises en place, mode d'action particulier, relevant de la réduction et revêtant une double dimension humanitaire et politique, et révèlent un rapport de force inégal entre soignant·es bénévoles de Médecins du monde et forces de l’ordre autour de la mise à l’abri. Enfin, les lieux d’accueil et de soin à Briançon, sont l’occasion d’un ancrage corporel, spatial, temporel, à rebours de la politique d’éloignement de l’Etat à la frontière.

Publiée

2025-03-13